Refaire ses premiers pas
#27 - Bienvenue sur ces Chemins de Traverse, sentiers dérobés réservés aux âmes libres, aux rebelles tranquilles et aux esprits décalés.
Après deux mois de pause, Chemins de Traverse se remet en route. Cette vingt-septième publication est un peu particulière car dimanche dernier… Un texte s'est échappé !
J'ai essayé de le choper, de lui dire d'être moins bavard, d'arrêter de chercher la rime, d'aller droit au but : souhaiter la bienvenue aux lecteurs assidus comme aux nouveaux venus.
Échec cuisant : il n'en a fait qu'à sa tête. Alors, plutôt qu'un contenu bien calibré, poli et lapidaire, je vous souhaite la bienvenue d'une autre manière. Après tout, nous sommes sur des chemins de traverse, des sentiers souvent ignorés, pas franchement balisés, mais qui vous mèneront là où vous avez finalement toujours eu envie d'aller.
Et je vous l'assure sans retour : l'aventure vaut le détour.
Chers amis du carnet de notes toujours à portée de main,
chères âmes saturées par les bruits d'un monde trop bavard,
chers humains adeptes de la joie et de la simplicité,
chers esprits créatifs bousculés par le culte de l'efficacité,
Laissez-moi vous conter une histoire qui devrait vous parler…
J'ai commencé mon voyage sur un chemin de traverse en 2024. Cette année-là, j'étais une funambule luttant contre le vide infini. Dire que je vivais à côté de moi serait un euphémisme : mon corps errait tel un zombie, carcasse malade à moitié rattachée à un esprit éteint. Mon cerveau était un amas de boue anxieuse, et mon cœur, enfermé depuis des décennies entières dans une cage poussiéreuse, était si peu nourri de joie que ses battements devenaient mortifères.
Un jour où mon quotidien chancelait encore, j'ai aperçu, sur un coin de route bétonnée, ce qui ressemblait à l'orée d'un chemin décrépi. On pouvait y voir des ronces chatouiller des buissons mal entretenus, plantés sur un sentier parsemé de petits cailloux pointus (vous savez, de ceux qui râpent vos semelles ou se glissent entre vos orteils).
Il aurait été facile de rester sur la route bétonnée mais j'ai choisi d'emprunter ce sentier mal léché. À peine en eus-je franchi les premiers mètres que j'ai vomi des torrents de mots dont certains ont atterri là, sur cette plateforme, dans vos boîtes à courriers ; et ce flot plus jamais ne s'est arrêté.
Cette tempête interne a dégagé tout ce qui me gangrénait : la course à faire plus, à faire mieux, à gagner plus, à gagner mieux, à prouver ma valeur, à montrer que j'en veux, que je suis pas fainéante, pas passive, pas irresponsable, ah ça non, moi, je prends ma vie en main, je m'améliore, je sors de ma zone-de-confort, je veux être la meilleure-version-de-moi-même, j'évite la médiocrité, l'échec et la paresse, je dois absolument traquer l'extraordinaire et l'admirable pour éviter de passer à-côté-de-ma-vie, chasse à la gloire, regardez-moi, je vous en prie, REGARDEZ-MOI, je suis aimable, je suis admirable, je suis efficace, je prévois, j'organise, j'ai un but, des ambitions, des projets, des objectifs découpés en étapes sous-découpées en cases à cocher parce qu'un jour, peut-être qu'un jour…
Je serai aimée.
Petit à petit, j'ai compris pourquoi mon cerveau avait fondu et pourquoi mon coeur était enfermé. J'ai eu une longue conversation avec la Créativité : je me suis excusée auprès d'elle de l'avoir laissée sur le bord de la route alors qu'elle venait me rendre visite.
J'ai su que j'avais fait fausse route quand, sur mon chemin de traverse, je me suis sentie vibrer pour la première fois depuis des années. C'était si émouvant que j'en ai pleuré ! Alors, j'ai continué à dégager les ronces et à franchir le pas. Savez-vous ce que j'ai trouvé en chemin ?
De la simplicité,
De la beauté,
De l'amour, en paquets.
Et de la joie, sans arrêt.
Bien sûr, tout n'est pas rose ni réglé, : plus d'une fois, je me suis retrouvée dans des impasses et j'ai dû rebrousser (mon) chemin. Plus d'une fois, j'ai eu envie de repartir sur une route bétonnée, comme une droguée en manque d'une dose de conseils pour être-plus, optimiser-davantage et savoir comment-faire-pour.
Avec cette infolettre, j'ai envie de vous raconter combien il est à la fois merveilleux et difficile de prendre un détour pour se découvrir, grandir, trébucher, sautiller, stagner puis avancer sur un chemin singulier plutôt que de se conformer à ce que nous ne serons jamais.
Sur ces sentiers aux abords mal foutus, il n'y a pas de méthodes de pointe, pas de recettes toutes faites, pas de mode d'emploi du grandiose ; juste de la réflexion, de la poésie et de la vulnérabilité.
Avez-vous trouvé ce bout de sentier, celui qui est caché par des ronces et peut faire mal aux pieds ? Il ne paie sûrement pas de mine, votre chemin de traverse, mais il est pourtant pavé de gourmandises, de plaisir et d'une dose de légèreté dopée à la tendresse.
En commençant à le fouler, peut-être commencerez-vous à vous entendre penser, à vous connecter à des désirs profonds, à être vous-même pleinement, entièrement, goulument ! Il n'y a rien de plus doux, de plus beau et de plus apaisant.
À tous les rebelles sages qui n'en font qu'à leur cœur 💚
Cécile
Merci pour ce texte, ça raisonne tres fort. Le souci c’est quand nos chemins de traverse croisent souvent la grande route, c’est difficile de savoir garder le cap malgré tout.
Tes mots résonnent très fort en moi, l'image de ce sentier mystérieux et mal entretenu aussi. En ce moment, je pense souvent à l'idée qu'emprunter ce chemin s'accompagne également d'un deuil, celui de dire au-revoir à la part de nous qui rêve de la conformité même si elle n'est pas satisfaisante. On oscille entre l'envie d'être à part et celle d'être comme tout le monde. Ton texte m'a fait du bien en tout cas !