Pourquoi on s'aime pas ?
Peut-être parce que s'aimer, ça ne se voit pas tant que ça.
Ça se mesure pas en données chiffrées ou en nombre de followers. D'ailleurs, qu'est-ce que ça veut dire, cette histoire de gens à suivre et de gens qui suivent ? Ça fait un peu troupeau de foire cette histoire, non ?
Au lieu de nous aimer, nous cherchons à être visible dans un monde virtuel, auprès d'inconnus que nous ne rencontrerons ni ne connaîtrons jamais — et qui, se permettent, parfois, de juger la couleur de votre vie et l'agencement de votre quotidien.
Les personnes qui nous ont suivies, nous suivent et nous suivront encore, même si nous sommes maladroits, égoïstes ou impotents, ces gens-là se comptent sur les doigts de la main : des parents, un enfant, des cousins, quelques amis. Un cercle intime de bienveillance dans lequel piocher, si j'ose dire, quand la vie décide de nous envoyer des piques.
Nous sommes pourtant bien occupés à aller chercher au-delà de ce cercle, au-delà même de l'espace où gravite les connaissances vagues et les liaisons passagères, un cercle où Jeanine dérègle votre boussole interne pour vous rappeler ce que vous devriez faire de votre vie.
Constater que nous ne pouvons vraiment être suivis — et donc vraiment aimés par un petit nombre de personnes —, voilà qui est vertigineux ! Peut-être même est-ce un décompte trop flippant pour être accepté. Qui sommes-nous si nous restons à l'état de silhouettes sans ombres ? Est-ce pour cela que nous sommes accroc aux suiveurs ? Est-ce pour cela qu'il nous faut être vus et aimés de n'importe qui, pourvu que l'on soit aimés un peu plus, toujours plus ? Que cherchons-nous, à vouloir exister ailleurs que dans nos cœurs et dans ceux qui sont prêts à nous accueillir avec une tendresse infinie ?
Besoin de validation,
en recherche d'attention,
rester gosse, après tout.
Ça changerait quoi, d'être invisible ? Je veux dire, de ne pas exister dans la mémoire collective ? De vivre une existence profondément banale, où l'extraordinaire n'est synonyme que de petits riens ? De ne pas laisser de trace sur cette Planète ? De n'être qu'une simple créature mortelle — un petit tour et puis s’en va ?
Pour être visible, paradoxalement, il nous faut être transparent. La meilleure solution à notre quête permanente d'attention, c'est d'arrêter de nous mentir et de commencer à nous aimer profondément, intensément, viscéralement — pas de quêter la prochaine notification. Ça rend fou, cette cloche qui sonne en ligne. Ça tue la tendresse, cet amour sans visage. Ça tue le cœur, cette attente sans fin. Pendant ce temps, au-dehors, il y a tant d'amours doux que l'on fout de côté au profit d'un amour aussi feint que circonstancié.
Je veux être aimée, bien entendu, mais aimer sans dépendre, et aimer sans prétendre. Je suis une solitaire connectée à des cœurs sains, non une cheffe de troupeau, ni une bergère numérique. Je ne veux influencer personne. Je souhaite entrer en résonance. Un truc plus intense, vous voyez ? Plus honnête aussi, moins superficiel, plus profond, vrai, sincère, fragile et fort à la fois. Comme Catherine Shannon le dit si bien1 : ”Nos emplois sont importants, mais qui s'occupera de nous lorsque nous les perdrons ? Nos intérêts créatifs sont importants, mais qui lira nos brouillons et nous encouragera ? L'amour est toujours la réponse. Aimer et être aimé est la plus grande vocation de la vie."
No resolutions, écrit en date du 8 janvier 2024. Catherine Shannon est l’une de mes autrices préférée sur cette plateforme tant ses mots sont réfléchis, mouvant entre sagesse et justesse.