Bonjour ! Je suis Cécile et vous vous trouvez sur un chemin de traverse.
Ce texte est la dix-huitième chronique d'un espace littéraire dédié aux rebelles-sages qui n'en font qu'à leur cœur.
En général, j'y compile des mots où les injonctions au faire et au paraître disparaissent au profit de vies simples, joyeuses et profondément connectées. Mais aujourd’hui, je vous parle de syndrome de la page blanche, en direct-live d’un poulailler.
Décidément, quand on emprunte un chemin de traverse, on peut vraiment faire ce que l’on veut 😉 Bonne lecture !
On peut toujours trouver des excuses pour ne pas écrire : pas le temps, pas l'envie, pas l'intérêt, pas l'énergie, les gosses, le boulot, la vie. Comme beaucoup, je virevolte d'un prétexte à un autre, parfois indifférente à mon inertie, souvent déçue de ma paresse ; même si, depuis peu, la bienveillance a remplacé un discours intérieur dénigrant mon manque d'auto-discipline. Je ne peux que constater à quel point la douceur fait des miracles face à la crudité de la médisance.
C'est étrange, quand on y pense, d'être à ce point abreuvée de bouquins et de publications de développement personnel et concentrer en soi une facilité confondante à pester contre sa mollesse. Ne sommes-nous pas supposés nous aimer ?
Mais je m'égare : je voulais avant tout vous parler de ma résistance à la publication coûte-que-coûte, et aussi — commençons par cela — d'un prétexte inédit à ma période de rien littéraire.
Depuis deux semaines (ou peut-être trois ?), il m'est tout bonnement impossible de choper des pensées et de les modeler en un texte construit, nourrissant, partageable. Plutôt que des refrains entrainants et des bouts de mots poétiques, j'ai pondu des dissertations fades tirées de cogitations sans intérêt. Des petites tirades dignes d'une sitcom abêtissante, un zéro pointé, rien qui vaille la peine d'être exploré. Je n'avais pour inspiration que la présence appuyée d'une flemme monumentale et d'une propension à rêvasser sans égale.
Deux semaines de disette de mots durant lesquelles ce régime du rien tournait à plein régime. Certaines de mes journées étaient habitées par un néant envahissant dans lequel je restais immobile, le regard dans le vague, à penser. Certains diront que penser n'est pas rien faire, sauf que mes divagations prenaient toute la place, m'empêchant d'effectuer le moindre mouvement fécond pour mon quotidien, si ce n'est répondre à mes besoins élémentaires et autres urgences que la réalité balance, ça et là, quand le cœur lui en dit.
Durant ces deux semaines de rien, impossible de me caler devant une page blanche pour arracher à mon esprit taiseux des mots mous. Impossible, aussi, de sortir de cette immobilité : plutôt me réfugier dans ma tête et continuer de rêvasser. Comment fait-on, déjà, pour presser des touches et créer des phrases ?
Sur cette plateforme (et ailleurs), il est souvent question de routine et de passage en force : on a une date de publication et l'on s'y doit s'y tenir et, si les mots ne viennent pas, il faut aller les chercher.
Dans mon cycle d'écriture actuel, je préfère goûter aux mots qui viennent toute seuls, d'on ne sait où. En général, c'est ainsi que j'écris mes meilleurs textes puisqu'ils arrivent sans crier gare, de manière spontanée, connectés à la joie plutôt qu'enfermés dans un aquarium de forcing et de raison.
J'ai pris l'habitude de publier une chronique toutes les deux semaines sans avoir véritablement été actrice de cette décision : ce rythme est arrivé sans crier gare et répondait à une exigence de mots vitale. Et puis, j'arrivais alors à papoter avec ma pote Créativité de manière suffisamment régulière pour suivre ce tempo improvisé.
Durant ma période de sans-mots, la petite voix décomptait : plus que six jours pour composer un texte ! Plus que trois ! Oh, mais tu n'as rien foutu ! Il semble même que tu n'aies pas essayé…"
En réponse, une résistance paisible : je n'ai aucune obligation de publier quoi que ce soit — ni même d'écrire ou d'avoir une ambition littéraire quelconque. Je ne dois rien à personne et personne ne m'attend. Et tant soit même que des lecteurs guettent ma prochaine parution, alors ils devront faire preuve de patience. Il n'y a ni méchanceté, ni arrogance derrière ce constat, simplement une promesse : ne pas publier de textes s'ils sont sans saveur1. Il y a déjà suffisamment de mots fades et d'attentions atrophiées sur la Toile, pas la peine d'en rajouter.
Et voilà, ça me reprend ! Je divague alors que je comptais vous parler d'un prétexte des plus inédits que vous ayez jamais entendu parler venant d'un auteur en mal d'inspiration : je pataugeais dans la merde.
Littéralement.
J'ai eu les pieds plongés dans de la gadoue imbibée de crottin de mouton. C'était, ma foi, plutôt délicat de cueillir l'inspiration quand résonnait dans l'étable le bruit spongieux de bottes avalées par un mélange aussi marronnasse qu'odorant ; d'autant qu'au-dehors, la pluie menaçait d'en rajouter.
Ah, j'ai oublié de vous restituer le contexte : pour retrouver la magie de l'Inspiration, j'ai choisi de foutre le camp de chez moi pour travailler dans une ferme logée dans le sein d'une vallée alpine, l'une de celles qui passent leur temps à capturer des nuages pour flouter tout espoir de ciel bleu.
Pensée d'urbaine ou non, je pensais que grattouiller les fientes d'un poulailler en écoutant des "sploutch" à profusion m'aiderait à délester mon cerveau de ce qui l'encombrait. Je suis partie, bottes au pied, en pensant que je retrouvais ce petit maçon intérieur qui arrive à caler des phrases ensemble à partir d'une matière brute, très brute, primaire même.
À ce jour, les poules caquètent de joie dans une maisonnette débarrassée de plumes anciennes alors que ma plume, elle, est toujours aussi muette.
J’en parle dans la chronique “Pourquoi écrit-on ?”, publiée le 10 octobre dernier.
J’ai attendu d’écrire ma dernière newsletter pour venir lire la tienne. J’étais curieuse de comparer nos pannes. Et je suis toujours ravie de lire tes mots. Tu as raison, respectons nos silences. Nos mots n’en seront que plus profonds.
Ça me parle beaucoup : ces moments magiques où ça apparaît et l’écriture est liée au plaisir. Coule d’elle-même. Et ne pas se sentir pressurisée par un timing. C’est ce que je ressens depuis quelques jours aussi. ;)